Giacomo Casanova en Savoie : un mondain libertin chez les Alpins (2/2)

Le mondain

Le curiste

«Des comtes, des marquis, des barons, […] les uns piémontais, les autres savoyards. »

A Aix, la tolérance pour les jeux d’argent faisait accepter bien des incommodités. Les conditions de logement endurées par le Vénitien reflétaient bien la médiocrité du parc hôtelier. Les auberges, en nombre insuffisant, obligeaient les clients à s’installer chez l’habitant. Les rues mal pavées jalonnées de tas de fumier caractérisaient davantage un bourg rural qu’une ville thermale ! L’aménagement des deux sources restait sommaire[45]. Les curistes privilégiaient les bains de soufre installés dans un espace voûté taillé dans le rocher. Pour respecter la pudeur des baigneurs, un bassin séparé en deux, accessible par des entrées distinctes, réceptionnait l’eau thermale. Le médecin d’Aix, interrogé par Casanova, pensait-il à ce lieu de soins en répondant que la religieuse M.M. « prenait les eaux » sans parler à personne ? La seconde résurgence, appelée source d’alun, s’apparentait à une simple fontaine abritée sous une niche voûtée donnant sur la rue. L’eau jaillissait par deux têtes sculptées scellées dans le mur. On avait coutume de la boire en matinée. Casanova se rendait parfois « à la fontaine » le matin, laissant supposer au lecteur qu’il parlait de la source d’alun.

Sur place, il rencontrait les autres clients de l’auberge, bien qu’aucun n’ait été à Aix pour prendre les eaux selon Désarmoise. Seul ce dernier suivait une cure. Il se disait poitrinaire et trouvait les eaux bonnes pour sa santé[46]. Casanova décrivait ce Lorrain comme un homme de « grande taille, maigre, blond, qui à cinquante ans conservait encore ses cheveux, qui devait avoir été beau ». Il tentait de faire fortune au jeu en voyageant de ville en ville, laissant sa famille survivre à Lyon avec sa petite pension d’ancien courrier aux affaires étrangères. Il avoua à Casanova éprouver un amour incestueux pour sa propre fille aînée. Cette passion irraisonnée fut à l’origine d’une rixe l’année suivante : alors qu’il rejoignait Lyon à cheval, Désarmoise croisa à la sortie de Chambéry une voiture dans laquelle il reconnut sa fille accompagnée d’un jeune homme. Tous deux roulaient vers Genève avec l’intention de s’y marier. Pris de fureur, il immobilisa l’équipage et voulu faire descendre sa fille. Le fiancé tenta de s’interposer et reçu un coup d’épée. Le croyant mort, Désarmoise s’enfuit à Lyon pendant que le couple se réfugiait à Chambéry. Le hasard voulu que le futur marié soignât sa blessure dans une chambre d’hôtel voisine de celle de Casanova, alors de passage dans la capitale savoyarde pour visiter sa religieuse. Le Vénitien promis d’intercéder en leur faveur tout en séduisant la belle fiancée. A l’étape de Lyon, tenant parole, il arracha au père incestueux son consentement écrit pour le mariage.

A Aix, Désarmoise disait être le seul Français de l’auberge. Les autres clients étaient tous sujets du roi de Sardaigne. En 1761, Casanova en retrouva plusieurs lors de son passage à Turin, à l’exemple du comte de Trana et son frère cadet le chevalier de Cocona. Les archives du Vénitien à Dux ont conservé trois lettres rédigées par l’aîné[47]. La première, datée d’octobre 1762, faisait allusion à Lavini, un faussaire célèbre dont la route pourrait avoir croisé celle de Casanova à Florence, en décembre 1760, et à Augsbourg durant l’automne 1761[48]. Dans sa dernière lettre, le comte Trana précisait s’être rendu aux bains d’Aix le 1er juillet 1763. Mais au bout de quatre jours, l’état de santé d’un vieil oncle l’obligea à quitter la cité thermale « sans grands regrets car il y avait très peu de monde ».

Paolo Baretti, frère de l’écrivain italien Giuseppe Baretti était également présent dans la cité thermale lors du passage de Casanova. A Aix comme à Turin, il avait pour complice de jeu Jean-Antoine Parcalier, marquis de Prié, l’un des seigneurs les plus riches des États de Savoie[49]. A Aix, Casanova ne manqua pas de remarquer son arrivée à l’auberge dans « une berline à six chevaux », un équipage exceptionnel en ce temps là. Cet homme à la « présence imposante » entretint par la suite une correspondance suivie avec le Vénitien, tous deux s’étant découvert un goût commun pour le jeu, les femmes et la littérature[50]. Lorsque à la fin de l’année 1762, un arrêté d’expulsion obligea Casanova à quitter Turin pour Genève et Chambéry, Prié lui adressa trois lettres. Le courrier envoyé à Chambéry l’encourageait à bien s’amuser, laissant supposer quelques confidences au sujet de la religieuse. Pour son séjour dans la cité de Calvin, le marquis le priait de lui signaler les nouveautés littéraires. Dans le catalogue posté par les soins du Vénitien, Prié pointa principalement les œuvres de Voltaire manquant encore à sa bibliothèque. Il les réclama à Casanova, éventuellement accompagnées de quelques « estampes sottisieuses ». Il l’enjoignait surtout de prendre toutes les précautions nécessaires pour déjouer une censure qui mettait de « furieuses entraves à l’esprit dans ce pays». Il lui suggéra d’ailleurs de quitter la région pour s’établir de préférence à Vienne ou à Gênes et pourquoi pas en Espagne, ces trois destinations étant susceptibles de mieux reconnaître ses talents : « du reste, il devrait vous être fort indifférent de quitter un pays où l’ignorance, l’ennui etc. règnent au suprême degré et qui me paraît trop étroit pour un génie comme le vôtre ».

Un autre curiste aixois se distinguait par son rang : le comte Joseph Ponte de Scarnafigi[51]. Ce personnage important, Grand’croix de l’ordre des Saints-Maurice-et-Lazare[52], fut par la suite nommé ambassadeur du roi de Sardaigne à Lisbonne, puis à Londres et à Vienne avant de finir sa carrière en poste à Paris jusqu’à sa mort en 1788. L’auteur ne mentionna qu’un seul curiste savoyard, le marquis de Saint-Maurice. Ce représentant de l’une des plus illustres familles de Savoie faisait partie de cette élite séduite par la franc-maçonnerie.

Le franc-maçon

« Qui ne veut pas se trouver inférieur à un autre et exclu de la compagnie de ses égaux […] doit se faire initier dans ce qu’on appelle la maçonnerie ».

La franc-maçonnerie se répand en Europe au cours du XVIIIe siècle. Son développement a pour terreau la laïcisation croissante de la société, phénomène assez sensible chez les élites. Cette dimension à la fois continentale et élitiste a de quoi séduire Casanova. Ses Mémoires se montrent pourtant bien lacunaires sur le sujet, sans doute par discrétion. Ses premiers contacts avec la franc-maçonnerie sont vraisemblablement à rechercher dans son milieu d’origine, celui des comédiens vénitiens. Il ne reconnaît cependant avoir été initié qu’à l’occasion de son passage à Lyon, en 1750. A t-il été reçu dans l’une de ces loges d’obédience écossaise réputées pour leur atmosphère mystique ? Probablement si l’on estime que son goût pour la cabale ne pouvait qu’entrer en résonance avec les rites ésotériques spécifiques à ce courant. A Paris la même année, l’apprenti Casanova devient compagnon, puis maître dès 1751. Mais au-delà de son penchant naturel pour les rituels, il utilise la franc-maçonnerie comme un laisser-passer pour pénétrer la haute société. Elle lui assure un réseau d’appuis aussi efficace que discret à travers toute l’Europe. Certains « casanovistes » le soupçonnent même d’être un émissaire de la franc-maçonnerie, trouvant dans ses missions l’une des principales causes de ses nombreux déplacements à travers le continent.

Dans les pages consacrées à Aix-les-Bains, il mentionne à plusieurs reprises le marquis de Saint-Maurice. Il s’agit vraisemblablement d’Henry-Anne-Joseph-Marie Chabod[53], le seul franc-maçon repéré parmi les curistes cités. Il appartient alors à la loge « Saint-Jean des Trois Mortiers », fondée à Chambéry en 1749[54]. Ont-ils noué des contacts secrets ? Toujours est-il que « l’écossisme », cette forme très ésotérique de la pratique maçonnique, a séduit dans ces années-là plusieurs adeptes dans cet atelier[55]. Faut-il voir dans cette inclination une influence « casanovienne » ? La loge siège alors dans la maison-forte du Haut-Chaney, l’une des propriétés de son fondateur, Jean-François de Bellegarde, marquis des Marches. Cette vaste bâtisse, sise au 53 rue Balzac, a-t-elle accueilli le Vénitien lors d’un séjour dans la capitale savoyarde ?

L’atelier chambérien des « Trois Mortiers » est bientôt reconnu Grande Maîtresse Loge dans le royaume de Sardaigne avec le privilège de pouvoir essaimer dans l’ensemble des États de Savoie. En 1765, elle fonde à Turin une filiale connue sous le nom de « Saint-Jean La Mystérieuse ». En 1771, le comte Ricca[56], une connaissance du Vénitien, en est l’un des surveillants. Gamba de la Pérouse[57], autre proche de Casanova, y est admis en 1768. Il en devient le Grand surveillant et participe activement à son émancipation au détriment de la loge chambérienne. La séparation sera officialisée en 1774[58].

Ces quelques rapprochements confirment les accointances maintes fois relevées entre Casanova et la franc-maçonnerie. Ils soulignent ses liens amicaux avec des frères influents de la loge turinoise et ses possibles contacts avec celle des « Trois Mortiers », la « maison-mère » chambérienne.

L’opportuniste

En 1761, lors de son deuxième passage à Chambéry, Casanova est accueilli par le « voluptueux Magnan » recommandé par un ami commun, le chevalier Raiberti[59]. De son vrai nom Charles-Joseph Mayan[60], ce Piémontais de naissance est alors Premier secrétaire du gouverneur de Savoie[61]. Il est marié à une jeune femme de bonne famille, Thérèse Rey[62], « aimable épouse encore fraîche », malgré une progéniture nombreuse[63]. Casanova apprécie cet « homme d’esprit, aimable de figure ». Il goûte tout autant sa table et les « bons vins » de sa cave. Plusieurs de ses bonnes bouteilles arroseront d’ailleurs le repas organisé par Casanova au parloir des moniales de l’Annonciade. Il donne au Vénitien l’impression d’être « très à son aise, habitant dans une maison fort commode hors de la ville ». Cette demeure a été localisée à la Cassine, au lieu-dit la Corbassière, au pied de la colline de Lémenc, non loin du faubourg Reclus[64]. Il est difficile de croire que ce quartier à l’urbanisme incertain, aujourd’hui coincé entre la voie ferrée et la voie rapide urbaine, ait pu être des siècles durant la promenade hivernale favorite des Chambériens. A l’époque, on accède à cette agréable plaine champêtre depuis l’actuelle rue de la gare dont le tracé se prolonge par le chemin de la Cassine au-delà des voies ferrées[65].

Casanova semble apprécier suffisamment les lieux pour que Mayan lui propose l’hospitalité à chacun de ses passages[66]. Mieux, dans une lettre datée de mai 1770, il incite le Vénitien à se retirer « dans [sa] retraite de La Corbassière », une demeure pouvant « offrir un asile bien tranquille et bien doux […] pour la culture de [ses] talents ». Mais le destin préféra imposer à Casanova une vieillesse de reclus en Bohême à une fin de vie près du faubourg Reclus[67] !

La sœur de Thérèse Rey, Jeanne, s’est mariée avec Michel Mansoz. Une lettre de ce Trésorier général de Savoie adressée au Vénitien est parvenue jusqu’à nous[68]. Le post-scriptum, dans lequel son épouse le charge de lui agréer ses honneurs, laisse entrevoir des liens plus étroits qu’une simple relation banquaire. Ils se sont vraisemblablement rencontrés lors d’un passage dans la capitale des ducs de Savoie, peut-être chez Mayan ou à son propre domicile, « proche la porte de la Reine », près du château[69].

Pendant sa halte chambérienne de 1761, Casanova croisa-t-il aussi Françoise-Louise de la Tour du Pil, baronne de Warens ? Cette femme de tête passa à la postérité davantage pour avoir été la tutrice et la maîtresse de Jean-Jacques Rousseau[70] que pour ses déboires industriels. Mayan la connaissait bien pour être entré en 1752 dans le capital de la Compagnie des mines de Maurienne qu’elle avait fondée[71]. Mais malheureuse en affaires, la baronne vécu ses vieux jours dans la gêne matérielle. Elle en fut réduite à louer un modeste logis faubourg Nézin[72], à une portée de fusil de la résidence de Joseph Mayan. A la mort de Madame de Warens, survenue le 29 juillet 1762, l’administration mit la maisonnette sous séquestre, dans l’attente d’une succession rendue compliquée par l’origine vaudoise de la défunte. Suite à une plainte du propriétaire réclamant son bien et les impayés du loyer, Michel Mansoz, de part sa fonction de Trésorier général de Savoie, se chargea de régulariser le dossier. Sa clôture définitive n’interviendra finalement que quatorze ans après le décès[73].

 

Conclusion

Si sa biographie se vérifie dans les grandes lignes, suivre pas à pas le fil de son récit exige des talents de détective. Casanova reste en effet très discret sur bien des aspects de sa vie privée. A Genève par exemple, seuls les courriers du marquis de Prié nous révèlent ses trafics de livres interdits. A Aix, ses missions de franc-maçon lui imposant la discrétion, il passe sous silence l’appartenance maçonnique du marquis de Saint-Maurice. La pudeur l’incite également à masquer le nom de ses liaisons : ainsi l’identité de ses maîtresses d’Aix reste-t-elle secrète. De même, faute d’une description systématique des lieux qui l’ont accueilli, ses passages s’effacent sans laisser de traces. Pour une auberge d’Aix repérée en recoupant les rares indices de son récit, combien d’autres hébergements restent encore à localiser ?

En revanche, les quelques pages relatant ses courts séjours en Savoie suffisent à cerner sa personnalité. Ce voyageur mondain n’a rien d’un explorateur alpin. Casanova file de ville en ville sans un regard pour les montagnes : le mont Blanc pris pour la dent Blanche ou une descente en ramasse dévalant le mauvais versant du Mont-Cenis sont autant d’erreurs trahissant sa méconnaissance des Alpes. De la même façon, Aix et Chambéry n’auraient pas connu les honneurs de sa plume sans l’existence d’une jeune et jolie nonne.

A la fréquentation de la population locale, Casanova préfère la compagnie de l’élite urbaine des capitales européennes. Les salons des notables savoyards ne sont sans doute pas des écrins suffisants pour faire briller tous ses talents. Aussi s’étonne-t-il de côtoyer la noblesse piémontaise lors de son passage à Aix. Mais leur présence doit davantage à une grande tolérance pour les jeux d’argent qu’à la qualité du parc hôtelier ou qu’à l’éclat de la vie mondaine.

Casanova se croyant être l’enfant naturel d’un patricien vénitien, cette haute naissance lui donne des prétentions de gentilhomme : il n’hésite pas à s’attribuer le titre fantaisiste de « chevalier de Seingalt ». Si à priori, le choix du rang le plus modeste de la hiérarchie nobiliaire ne lui ressemble guère, il révèle à mon sens l’une des facettes de sa personnalité. Ce titre lui suffit en effet à intégrer l’aristocratie sans pour autant lui interdire l’appui des puissants dont il a bénéficié sa vie durant. En cheminant sur toutes les routes du continent, ne s’imagine-t-il pas être également le digne descendant des chevaliers errants qui hantent les légendes arthuriennes ? Cette référence à la chevalerie pourrait expliquer bien des postures. En volant au secours de la belle M.M. à Aix ou en arrachant à Désarmoise son consentement pour le mariage de sa fille, il parade en grand seigneur devant ses lecteurs, persuadé que la postérité gardera la trace de ses prouesses chevaleresques.

Son existence quotidienne est pourtant bien éloignée des exigences de l’amour courtois médiéval et des principes religieux qui régissent la morale de son époque : il passe plus de temps dans les tripots que chez les dévots, préfère la satisfaction de ses sens à la pénitence et privilégie les pratiques maçonniques aux rites catholiques. A Aix, dans l’affaire de la converse, ne va-t-il pas jusqu’à devenir le complice d’un homicide ? Nous voilà bien loin des us et coutumes de l’immense majorité des savoyards. Après 1762, la Savoie ne l’a jamais revu, preuve que ce pays-là ne lui convenait pas.

Notes

[1] La présente étude s’est appuyée sur la version du récit édité dans la collection « Bouquins » (G. Casanova, Histoire de ma vie, suivie de textes inédits, éd. par F. Lacassin, Paris, R. Laffont, coll. « Bouquins », 1993, 3 vol., 1 437, 1 205 et 1 427 pages). Toutes les citations mentionnées s’y rapportent, sauf indication contraire. Le manuscrit autographe acquit par la Bibliothèque nationale de France (BnF) a depuis été publié dans la « bibliothèque de la Pléiade » (G. Casanova, Histoire de ma vie, éd. par G. Lahouati et M.-F. Luna, Paris, Gallimard, bibliothèque de la Pléiade, 2013-2015, 3 vol., 1 374, 1 336, 1 318 pages). Plusieurs monographies faisant autorité ont également été consultées pour ce travail : M.-F. Luna, Casanova mémorialiste, Honoré Champion, Paris, 1998 ; M. Delon, Casanova, histoire de sa vie, Découvertes Gallimard Littérature, Paris, 2011 ; A. Buisine, Casanova l’Européen, Paris, Tallandier, 2001 ; M.-L. Prévost, C. Thomas, dir., Casanova. La passion de la liberté, catalogue de l’exposition, Paris, BnF / Seuil, 2011. A l’occasion de cet évènement, la BnF a constitué un dossier remarquablement documenté disponible en ligne sur le site : http://www.expositions.bnf.fr/casanova/index.htm.

[2] P. Sollers, Casanova, la quintessence du XVIIIe siècle européen et français, Magazine des Livres, 2011, n° 33, p. 77 ; F. Lacassin, Casanova, ou le Saint-Simon des gens qui ne roulent pas en carrosse, 1993.

[3] Un catalogue bibliographique indispensable à toutes recherches historiques sur la Savoie est disponible en ligne sur : http://www.sabaudia.bibli.fr. L’auteur adresse ses remerciements à Jacqueline Pétroz pour la relecture minutieuse de cette communication.

[4] Aux yeux de ses exégètes, elle fut le seul véritable amour de sa vie.

[5] Casanova cite le col du Saint-Bernard sans préciser lequel. En annexe des Mémoires publiées dans la collection « Bouquins », une carte de son itinéraire pour la période considérée indique un retour en Italie par le col du Petit-Saint-Bernard (G. Casanova, Histoire …, vol. 1, p. 1 430). Un passage par le Grand-Saint-Bernard me semble pourtant beaucoup plus judicieux, car plus direct. Il évite un long détour par la Tarentaise et correspond davantage aux trois jours indiqués pour le franchissement du col.

[6] G. Casanova, Confutazione della storia del Governo Veneto d’Amelot de la Houssaie […], Amsterdam, 1769, 3 vol. ; cité dans J. Casanova, Mémoires, La Pléiade, Paris, 1958-1960, p. 1 169.

[7] La famille de la marquise estima le préjudice total à près d’un million de livres réparti sur plusieurs années !

[8] Casanova affirme n’être arrivé à Genève que le 20 août 1760, pour quelques jours. Mais pour ses exégètes, il était déjà dans la cité de Calvin début juillet et après une courte absence, il n’en repartit qu’à la mi-septembre.

[9] La navigation était importante sur l’Isère avant l’avènement du chemin de fer. De nombreux bateaux destinés au transport de matériaux pondéreux descendaient son cours pour rejoindre le Rhône. Savoyardeau, sapine ou cyselande étaient quelques-unes des embarcations à fond plat, sans quille et sans étrave parfaitement adaptées à la navigation fluviale tout en étant suffisamment vastes pour embarquer la voiture de Casanova (A. Schrambach, P. Couegnas, Images de la batellerie de l’Isère, Le Rhône. Un fleuve et des hommes, Le monde alpin et rhodaniens, 1er-3e trimestres 1999, p. 79-104).

[10] Plusieurs lettres datées de décembre 1762 lui sont adressées à Chambéry (J. Rives Childs, Casanova archives, letters of the marquis de Prié to Casanova, Casanova Gleanings, 1958, vol. I, p. 7-8 ; F. L. Mars, Y. du Parc, Casanova chez les Lyonnais, Casanova Gleanings, 1963, vol. VI, p. 25-26).

[11] Le col de Tende, reliant Nice au Piémont, ne culmine qu’à 1 871 mètres, soit une altitude nettement inférieure aux 2 081 mètres d’un Mont-Cenis pourtant franchi à maintes reprises, sans parler des 2 469 mètres d’un col du Grand-Saint-Bernard probablement traversé au cours de l’hiver 1749-1750.

[12] Ecrit indifféremment Leduc, Le-Duc ou Le Duc. « Hardi, insolent, malin, libertin mais obéissant, secret et fidèle, je devais le souffrir », écrivait Casanova pour résumer sa personnalité d’un trait de plume.

[13] Une confusion s’est glissée dans ses Mémoires et dans les commentaires en notes de l’édition « Bouquins ». Casanova vient de Turin et se dirige vers Genève. Il arrive donc à Novalaise, modeste bourgade piémontaise située au pied du Mont-Cenis. Là, il loue une chaise à porteurs jusqu’au col. Pour rejoindre la cité de Calvin, la descente se fait en direction de Lanslebourg, sur le versant savoyard, et non vers Novalaise, comme l’affirme à tort le récit. La ramasse désigne le chemin en lacets reliant le col à Lanslebourg et par extension l’hiver, la descente en traîneau sur ce tracé, faite sous la conduite d’un guide local appelé « marron ». Les voyageurs se faisaient « ramasser » uniquement sur le versant savoyard, car les pentes abruptes en direction de Novalaise se prêtaient mal à ce mode de déplacement hivernal (J. Bellet, F. Forray, M. Mestrallet, J. Prieur, Mgr S. Savi, Mont-Cenis porte des Alpes, SSHA, L’Histoire en Savoie, Montmélian, 1986, p. 16-19).

[14] Casanova privilégie la route du Mont-Cenis. Cet itinéraire est non seulement le plus direct entre Turin, Chambéry et Lyon, mais il offre également un service de poste rapide et efficace, comme le prouve la brièveté des temps de parcours cités dans le récit.

[15] Privilégier les routes de poste entre Genève et Marseille offrait au voiturier l’assurance de trouver de nombreux points de chute tout au long de son itinéraire.

[16] Un relais de poste doublé d’une auberge est un cas fréquent à l’époque. Les descriptions laissées par Casanova au cours des treize jours de son séjour nous confirment la nature des lieux : alors qu’il est assis dans la salle commune, il décrit l’arrivée d’un attelage. « Vers les cinq heures, […] une voiture arrive. On dit que ce sont trois Anglais qui venaient de Genève, et qui changeaient de chevaux pour aller à Chambéri. Je les vois entrer un moment après ». Au détour d’une phrase, son récit établit clairement un lien formel entre l’auberge et le relais de poste : « j’envoie Le-Duc demander des chevaux de poste à l’aubergiste ».

[17] Trois documents conservés aux Archives départementales nous apprennent qu’un nouveau maître de poste loua en 1775 la maison du Sieur Tétu qui a « exercé la poste rière ledit lieu d’Aix pendant plus de vingt ans ». La même année fut dressé « un acte d’état de la maison-écurie de François Tétu qui y tenait son auberge et où Pierre Sélaverand, nouveau maître de poste venant de Saint-Félix doit s’installer ». En 1789, la veuve Sélaverand gérait toujours « la poste aux chevaux » dans la maison Tétu (ADS, C604).

[18] G. Pérouse, La vie d’autrefois à Aix-les-Bains, Monein, 2009, p. 57.

[19] La mappe sarde de 1728 et le plan Garella levé à la suite du grand incendie de 1739 (une copie de ces documents est consultable aux Archives municipales d’Aix-les-Bains). A cette époque, la seule maison habitable possédée par François Tétu portait sur la mappe sarde le n° 44, parcelle correspondant au n° 3 du plan Garella.

[20] En 1816, le relais postal de la cité thermale s’établit au rez-de-chaussée de l’hôtel Guilland, correspondant aujourd’hui au n° 9 de l’actuelle place Carnot (P. Gras, M.-R. Jazé-Charvolin, J. Lagrange, Aix en 1860, catalogue de l’exposition, Société d’art et d’histoire d’Aix-les-Bains, Arts et Mémoire, 2010, n° 59, p. 26). Sa précédente localisation n’était pas connue jusqu’à présent.

[21] Inventaire du patrimoine architectural et urbain d’Aix-les-Bains, disponible en ligne sur : http://www.patrimoine-aixlesbains.fr. Ce site donne un historique très précis de chaque maison du centre ancien.

[22] Ce n’est que depuis le salon du rez-de-chaussée, et non depuis la grande arrière-salle de l’étage, que Casanova pouvait assister à l’arrivée des voitures au relais de poste (voir la note 16). D’après le récit, les couverts étaient servis dans la boutique donnant sur la rue : « Nous étions encore à table lorsque nous vîmes arriver une berline à six chevaux » ; ou encore « Je dînais fort tranquillement […] lorsque je vois entrer une bande de gens fort gais et de bon air, hommes et femmes qui se disposaient à aller se mettre à table ». La salle à manger se transformait ensuite en salle de jeux : « A la fin du dîner, l’homme à figure imposante demanda des cartes et fit une petite banque de pharaon ».

[23] Voir l’inventaire en ligne cité dans la note 21.

[24] La copie de sa tabelle est consultable aux archives municipales d’Aix-les-Bains.

[25] Une maison de maître située sur les rives de l’Isère près de La Tronche. Elle appartenait à Charles-Gabriel Justin de Barral, conseiller au Parlement du Dauphiné (M.-F. Luna, J. Oudart, La maison de Casanova à Grenoble et la société dauphinoise en 1760, Casanova fin de siècle, actes du colloque international, Grenoble, 8-10 octobre 1998, Paris, 2002, p. 13-26).

[26] Rabelais descendit peut-être à cette adresse au XVIe siècle. Le marquis de Sade y logea certainement en 1772 (M. Dacquin, C. Fachinger, Le faubourg Montmélian autrefois, Société des amis du vieux Chambéry, 2007, t. XVIII, p. 21).

[27] Les écuries occupaient tout le rez-de-chaussée (C. Townley, Chambéry et les Chambériens, 1660-1792, Annecy-le-Vieux, 1999, p. 111). Par la suite, il pris le nom « d’Hôtel de la Poste », confirmant ainsi sa vocation initiale (M. Dacquin, C. Fachinger, Le faubourg… op. cit., p. 21).

[28] Un autre sommet mythique, mais des Alpes valaisannes !

[29] Voir à ce sujet la note 14. Sa rapidité à franchir les Alpes ne laissait guère de place à la flânerie touristique.

[30] L’édition de la collection « Bouquins » indique par erreur que la citadelle existe encore. Seul son « donjon » est en fait parvenu jusqu’à nous. Il abrite aujourd’hui le musée national de l’artillerie.

[31] Une montre à répétition se caractérise par une sonnerie à heures régulières. L’industrie horlogère helvète naît à Genève au XVIe siècle avec l’avènement du Calvinisme. Jean Calvin décide en effet d’interdire les signes extérieurs de richesse, obligeant les orfèvres et joailliers de la ville à se reconvertir dans l’horlogerie. Au XVIIIe siècle, la réputation des horlogers genevois dépasse largement les frontières de la Suisse. En 1790, Genève exporte déjà plus de 60 000 montres (Histoire de l’horlogerie, disponible en ligne sur : http://fr.wikipedia.org/wiki/histoire_de_l’horlogerie ; L’industrie horlogère suisse des origines à nos jours, disponible en ligne sur : http://www.fhs.ch/fr/history.php).

[32] G. Pérouse, La vie d’autrefois à Aix-les-Bains, Monein, 2009, p. 57.

[33] L’ordre de l’Annonciade céleste a été institué en 1601 à Gênes par Marie-Victoire Fornari.

[34] Les sœurs de l’Annonciade sont des religieuses contemplatives vivant cloîtrées. En 1645, elles fondent un couvent hors les murs de Chambéry, à l’entrée du faubourg Montmélian, sur un terrain de quatre hectares. En 1748, il accueille trente-huit religieuses que l’Intendant de Savoie juge, à l’époque où Casanova séjourne à Aix, trop riches et « peu commodes ». Largement remaniés au cours du XIXe siècle, les bâtiments conventuels n’ont quasiment rien conservés de leur aspect d’origine. Ils sont actuellement occupés par le collège Jules Ferry (M. Dacquin, C. Fachinger, Le faubourg Montmélian autrefois, Société des amis du vieux Chambéry, 2007, t. XVIII, p. 64-69 ; C. Townley, Chambéry et les Chambériens, 1660-1792, Annecy-le-Vieux, 1999, p. 114). Originaire de Grenoble, M.M. se prénomme Marie-Madeleine comme la religieuse Vénitienne. Elle serait une parente de François-Daniel Borel, avocat au Parlement du Dauphiné et de Mlle de Roman, l’une des favorites de Louis XV.

[35] D’après Marie-Françoise Luna, il pourrait s’agir soit de Jacques-Louis du Coudrey, seigneur de Blancheville et marquis de Lescheraine, né en 1709, soit d’Henri du Coudrey de Colligny, lieutenant-colonel au régiment de Savoie en 1756 (A. de Foras, Armorial et nobiliaire de l’ancien duché de Savoie, 6 vol., 1878).

[36] Au fil de ses visites et de ses gains au jeu, Casanova se montre généreux avec la paysanne. Elle reçoit en don pas moins de 113 louis, soit 2 260 livres de Savoie, somme équivalente à plus de onze années du minimum vital, ce qui fait « la fortune de sa maison » (voir plus loin la note 44). Une partie de cet argent est néanmoins employée à améliorer l’ordinaire de la moniale avec l’achat d’une jolie table et ses couverts, d’un grand lit et de quelques draps fins. Casanova pour qui l’habillage est aussi important que le déshabillage, ne manque pas de noter « un corset de basin à rubans couleur de rose et une chemise de batiste » offert par la fermière (le basin est une étoffe de coton croisé et la batiste une fine toile de lin).

[37] Afin de garantir l’anonymat des mères délaissant leur bébé, les établissements de charité disposaient généralement d’une « tour d’abandon » donnant sur la rue. Ce dispositif s’apparentait à une baie munie d’une double série de volets : les premiers s’ouvraient de l’extérieur pour y déposer l’enfant. Les seconds, placés du coté intérieur, permettaient de le recueillir. Cet aménagement prenait parfois la forme d’un cylindre pivotant sur lui-même comparable à un tambour de porte. Une fois le nouveau-né installé, il suffisait de faire tourner « la roue » pour qu’il puisse être pris en charge. Ces « roues pour enfants trouvés » existaient en Italie depuis le Moyen Age. (Tour d’abandon, disponible en ligne sur : http://www.fr.wikipedia.org/wiki/Tour_d’abandon). A Annecy, seul l’hôpital Notre-Dame recueillait les enfants abandonnés. La plupart d’entre eux étaient ensuite mis en nourrice dans quelques familles de la ville ou des villages environnants (J. Germain, Annecy, institutions et vie municipales sous l’Ancien Régime, XVIIe-XVIIIe siècles. Société des amis du vieil Annecy, 1991, p. 270-271).

[38] Casanova, très féru d’occultisme, ne manqua pas de relever cette croyance. Dans la mentalité populaire des sociétés traditionnelles, la nuit suivant le décès demeurait dangereuse pour le défunt dont il fallait assurer le sort outre-tombe. La dépouille mortelle était donc préventivement gardée. En Bresse, la veillée mortuaire devait empêcher le diable de remplacer le corps par un chat noir. La rétribution de veilleurs se pratiquait encore dans quelques paroisses savoyardes au début du XXe siècle (A. Van Gennep, Manuel du folklore français contemporain, du berceau à la tombe, mariage - funérailles, Paris, 1946, t. I, vol. 2, p. 709 ; A. Van Gennep, La Savoie, Aubenas, 1991, p. 160).

[39] Pour éviter une grossesse non désirée, Casanova avait pris soin d’utiliser « un petit habit d’une peau fine et transparente de la longueur de huit pouces, et sans issue, qui avait à guise de bourse à son entrée un étroit ruban couleur de rose ». Ce qu’il nommait « redingote anglaise » avait été conçue outre-Manche « pour éviter au beau sexe de s’inquiéter ».

[40] La célèbre marque lui doit son nom.

[41] F. L. Mars et Y. du Parc, Casanova chez les Lyonnais, Casanova Gleanings, 1963, vol. VI, p. 22.

[42] Les savoiardi sont des biscuits piémontais, semblables aux boudoirs ou aux biscuits à la cuillère, actuellement utilisés en Italie pour la recette du tiramisu (renseignement fourni lors de ma communication par une auditrice restée anonyme).

[43] L’hôtel Guilland, établit sur l’actuelle place Carnot, héberge le relais de la poste aux chevaux à partir de 1816. En 1823, il accueille un espace dédié aux jeux. Ce choix vise-t-il à retenir les voyageurs de passage dans la cité thermale ? Quoiqu’il en soit, la société du Cercle, fondée l’année suivante, préfère rapidement louer pour vingt-cinq ans les quelques salles du château d’Aix, devenu depuis l’hôtel de ville. La fin du bail approchant, l’idée de construire un véritable établissement de jeux s’impose progressivement. L’inauguration du nouveau casino de la société Grand Cercle se fait en 1849 à son emplacement actuel (G. Frieh, P. Rault, Le grand cercle d’Aix-les-Bains, histoire d’un Casino, Aoste, 1984, p. 29-76).

[44] Ce calcul nécessite d’établir une équivalence entre les valeurs des différentes monnaies citées. La monnaie locale est la livre de Savoie correspondant à la livre du Piémont. Le sequin du Piémont vaut environ 9 livres et le louis neuf de France se négocie à un peu moins de 20 livres. La somme des pertes de Casanova à Aix s’élève à 40 sequins et 580 louis, soit 11 960 livres. D’après les Mémoires, ses gains se montent à 300 sequins et 2 335 louis, soit 49 400 livres, auxquels il convient d’ajouter 8 000 livres de Piémont sous la forme d’une lettre de change, pour un total de 57 400 livres. Le solde positif est au final de 260 sequins et 1 755 louis, soit 37 440 livres, sans compter les 8 000 livres de la lettre. A titre de comparaison, le minimum vital d’une famille est en Savoie d’environ 200 livres annuelles au XVIIIe siècle et on vit honorablement avec 1 000 livres par an (J. et R. Nicolas, La vie quotidienne en Savoie au XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, 1979, Montmélian, 2005, p. 371). A Vallorcine, vers 1760, une belle vache s’achète 45 livres et un porc environ 10 livres (R. Devos, B. Grosperrin, La Savoie de la Réforme à la Révolution française, Rennes, 1985, p. 14).

[45] Inventaire du patrimoine architectural et urbain d’Aix-les-Bains, disponible en ligne sur : http://www.patrimoine-aixlesbains.fr. Il donne l’historique et une description précise de chacune des deux sources.

[46] Les « casanovistes » peinent à identifier ce prétendu fils de marquis, né en Lorraine vers 1710. Les poitrinaires souffrent de tuberculose pulmonaire, dont l’un des symptômes est l’amaigrissement. Désarmoise se plaint effectivement de perdre du poids et craint pour sa vie. Les eaux d’Aix étant reconnues pour soulager les douleurs rhumatismales, on peut dans son cas douter de leur efficacité thérapeutique. D’après le récit, il meurt en effet moins de deux ans après sa cure.

[47] F. L. Mars, Lettres des frères Trana à Casanova, Casanova Gleanings, 1971, vol. XIV, p. 22-26.

[48] Convaincu de faux monnayage, ce Piémontais s’enfuit à Paris pour échapper aux policiers venus l’arrêter. Mais le gouvernement sarde obtint son extradition à Turin. La lettre datée d’octobre 1762 signalait son transfèrement imminent à la citadelle turinoise dans la perspective de son procès. Le Sénat du Piémont le condamna à mort, mais le roi commua sa peine en réclusion à perpétuité. Après avoir été promis aux galères, il fut finalement écroué au château de Miolans en 1765. Il passa la majeure partie de sa captivité dans un cachot nommé la deuxième espérance, l’une des deux cellules qu’occupera le marquis de Sade entre décembre 1772 et avril 1773 (A. Dufour, F. Rabut, Miolan, prison d’Etat, MDSSHA, 1879, t. XVIII, p. 296-326 ; R. Naz, Le château de Miolans, Mém. Acad. Sav., 1965, 6ème série, t. VIII, p. 36-37).

[49] Né en 1717 et mort en 1781, ce fils d’un riche diplomate autrichien en poste à Venise disposait des revenus importants d’un fief en Autriche.

[50] J. Rives Childs, Casanova archives, letters of the marquis de Prié to Casanova, Casanova Gleanings, 1958, vol. I, p. 5-22.

[51] Orthographié « Scarnafis » en Piémontais mais écrit à tort « Scarnafisch » dans les Mémoires de Casanova.

[52] En 1572, le pape Grégoire XIII a institué l’ordre des Saints-Maurice-et-Lazare en fusionnant deux ordres préexistants : celui de Saint-Lazare, fondé en Palestine au XIIe siècle pour accueillir et protéger les pèlerins de Jérusalem, et celui de Saint-Maurice, institué en 1434 au château de Ripaille, sur les rives du Léman, par Amédée VIII, premier duc de Savoie. L’ordre des Saints-Maurice-et-Lazare a traversé les siècles jusqu’à nous. Aujourd’hui encore, il contribue à la renommée de la Maison de Savoie et œuvre toujours auprès des malades et des nécessiteux.

[53] Il naît à Pont-de-Beauvoisin en 1720 et décède en 1780. Dans la tradition de ses aïeuls, il embrasse la carrière militaire. Il est nommé colonel au régiment de Savoie avant d’être promu major général (A. Foras, Armorial…,

t. I, p. 332). Il investit par ailleurs dans les mines de plomb argentifère de Peisey en Tarentaise, et intente à cette occasion un long procès contre une compagnie minière anglaise (P. Givelet, L’école française des mines en Savoie, SHAA, 2007, n° 24, p. 21-22). Dans ce contexte, à Aix, on saisit mieux sa réaction de méfiance face au jeune anglais Fox lors d’une partie de pharaon gagnée par Casanova. Pour la petite histoire, la comtesse de Vercellis qui a engagé le jeune Rousseau comme secrétaire à Turin en 1728, n’est autre que sa grand-tante, Thérèse Chabod de Saint-Maurice (R. Trousson, F. S. Eigeldinger, dir., Dictionnaire de Jean-Jacques Rousseau, Paris, 1996, p. 911).

[54] Son nom est cité dans un tableau des membres de la loge en 1765 (J. Nicolas, La Savoie au XVIIIe siècle. Noblesse et bourgeoisie, Paris, 1978, t. II, p. 1 041 et index des noms de personnes, p. 1 200).

[55] J. Nicolas, Noblesse, élites et maçonnerie dans la Savoie du XVIIIe siècle, Revue des études maistriennes, 1980, n° 5-6, p. 56.

[56] Il s’agirait de Carlo-Giulio Ricca de Quassol (Val d’Aoste) né vers 1725 et décédé en 1797 (F. L. Mars, Y. du Parc, Casanova chez les Lyonnais, Casanova Gleanings, 1963, vol. VI, p. 32, note 25).

[57] Gian-Giacomo Marcello Gamba, Comte Della Perosa (1738-1817). Sa fille a épousé le fils du marquis de Prié.

[58] Y. du Parc, Casanova et La Pérouse, Casanova Gleanings, 1961, vol. IV, p. 31-40.

[59] Carlo-Adalberto-Flaminio Raiberti naît à Nice en 1708 et meurt à Turin en 1771. Ce haut-fonctionnaire turinois occupe alors le poste de Premier secrétaire du Ministère sarde des Affaires étrangères. Il appartient au petit cercle piémontais des proches de Casanova, avec Gamba de La Pérouse, le comte Ricca, les frères Trana ou le marquis de Prié.

[60] Charles-Joseph Mayan, né à Turin vers 1721, meurt à Chambéry en 1782. Dans ses Mémoires, Casanova écorche son patronyme. Les lettres retrouvées dans ses archives au château de Dux en Bohême sont pourtant signées Mayans. Une étude très fouillée lui a déjà été consacrée voilà quarante ans par Yves du Parc, aidé d’André Perret, alors archiviste départemental de la Savoie (Y. du Parc, Une thébaïde savoyarde pour Casanova, Casanova Gleanings, 1972, vol. XV, p. 18-29). Toutes les informations fournies à son sujet se rapportent à cette étude, sauf indications contraires.

[61] Yves du Parc lui attribue la fonction de secrétaire du « gouvernement » de Savoie. Cette appellation est source de confusion, laissant supposer que l’ancien Duché avait une administration autonome. Dans un document daté de 1787, Mayan est bien qualifié de « premier secrétaire de monseigneur le gouverneur en Savoye » (ADS, 4B1181). D’autres documents consultés pourraient le confirmer.

[62] Fille de Georges Rey, « essayeur des Monnoies de Sa Majesté deça les Monts ». Elle apprécia les visites de Casanova, lui faisant « mille compliments » sous la plume de son mari.

[63] Née à Chambéry le 10 février 1732, elle avait à peine vingt-neuf ans mais déjà neuf enfants. Parmi eux citons l’aîné, Philippe, ayant pour parrain le général piémontais Della Chiesa, gouverneur de Savoie. Il prit la fonction de secrétaire à la Trésorerie générale de Chambéry, sans doute sous la direction de son oncle Michel Mansoz. A la fin du siècle, il compta parmi les membres actifs de la loge maçonnique des « Sept Amis » (J. Nicolas, La Savoie…, t. II, p. 1 044). Le cadet, Joachim, et plus tard ses deux fils, firent carrière dans l’administration des douanes françaises. (Pour plus d’informations sur la lignée des Mayan, consulter : F. Miquet, Recherches sur quelques fonctionnaires savoyards ayant servi en France avant 1860 et sur leurs familles, RS, 1905, t. XXI, p. 131-132. Voir également : S. Milbach, Jean Fleury Lacoste. Scènes de la vie en Savoie au XIXe siècle, MDSSHA, 2012, n° 125, p. 68-70).

[64] Sur la mappe du cadastre sarde de Pugnet-la-Croix-Rouge, figure bien au n° 1 076 une maison au lieu-dit La Corbassière. Etablie légèrement au-dessus de la rupture de pente, cette bâtisse va être progressivement rattrapée par l’urbanisation du quartier avant de disparaître. Dès 1774, elle se voit surplombée par l’imposant mur de soutènement de la nouvelle route de Genève prolongeant le faubourg Reclus. En 1950, puis en 1952, deux immeubles d’habitat collectif sont construits devant ses fenêtres, le long du chemin de la Cassine, aux n° 408-422, à hauteur de l’actuel arrêt de bus « Charmilles » (Archives municipales de Chambéry, 25W59 - PC n° 74/48 ; 25W67 - PC n° 83/51). Si elle figure encore sur le cadastre de 1969 (AM Chambéry, 1G548), elle a aujourd’hui laissé place à l’aire de retournement d’un petit parking aménagé à l’arrière des bâtiments.

[65] G. Pérouse, Les environs de Chambéry, promenades historiques et archéologiques, Montmélian, 1993, p. 350.

[66] Casanova affirma avoir « tenu parole ». Il fut sans doute accueilli à l’occasion de son expulsion de Turin, en décembre 1762. Plusieurs lettres lui furent adressées à Chambéry ce mois là (J. Rives Childs, Casanova archives, letters of the marquis de Prié to Casanova, Casanova Gleanings, 1958, vol. I, p. 7-8 ; F. L. Mars, Y. du Parc, Casanova chez les Lyonnais, Casanova Gleanings, 1963, vol. VI, p. 25-26).

[67] Cette invitation se fait dans un contexte défavorable. Mayan n’étant plus en poste. Il se plaint d’être en proie à l’hostilité de ses « compatriotes » prenant « plaisir d’écrire et d’afficher publiquement » qu’il est « disgracié du Roy et un proscrit ». Cette mise à l’index redouble « la haine savoyarde » à son égard de la part d’habitants qui « haïssent les Piémontais ». L’hostilité de la population est alors grande contre des officiers piémontais abusant de leur pouvoir de police pour imposer aux contrevenants d’humiliantes et cruelles bastonnades publiques (R. Devos, B. Grosperrin, La Savoie de la Réforme à la Révolution française, Rennes, 1985, p. 548). Ses fonctions de secrétaire du gouverneur ayant fait de lui une personnalité très en vue de l’administration militaire, Mayan subit de plein fouet ce rejet une fois son emploi perdu. Sa situation personnelle avait donc peu de chance de séduire un Casanova toujours nostalgique de Venise et dont le penchant naturel ne l’inclinait guère à s’enterrer dans une petite capitale des Alpes trop éloignée des grands centres intellectuels et mondains. A ce sujet, relire l’avis de son ami le marquis de Prié.

[68] Cette lettre datée de janvier 1763 traite d’un impayé concernant Giuseppe-Giacinto Zappata, banquier à Turin et maître-auditeur à la Cour des comptes (F. L. Mars, Y. du Parc, Casanova chez les Lyonnais, Casanova Gleanings, 1963, vol. VI, p. 30). Michel Mansoz restera en poste jusqu’en 1784 (ADS, C152 et C312).

[69] ADS, C1612 et C1614.

[70] Rousseau déconcerte Casanova. Le Vénitien lui reproche de n’avoir « ni l’inclination à rire ni le divin talent de faire rire ». Si leur rencontre à Montmorency vers 1758 reste douteuse, il est en revanche certain qu’il n’a pas visité les Charmettes. Les séjours chambériens de Jean-Jacques étant relatés dans la première partie des Confessions, rédigée entre 1764 et 1767 puis publiée à titre posthume en 1782, Casanova n’en a pas connaissance lors de ses passages dans la capitale savoyarde entre 1760 et 1762. Toutefois, d’après Marie-Françoise Luna, cette autobiographie a influencé le récit de son « Histoire de ma vie » (M.-F. Luna, Casanova…op. cit., p. 120-123).

[71] F. Mugnier, Madame de Warens et J. J. Rousseau. Etude historique et critique. Paris, 1891, p. 267 ; A. Metzger, Une poignée de documents inédits concernant Madame de Warens, Lyon, 1888, p. 167.

[72] De récentes recherches ont permis de localiser le modeste logis de la baronne parvenu intact jusqu’à nous, au 64 faubourg Nézin (B. Cabon-Dardon, Rousseau et Mme de Warens, AREDES, 2012, n° 47, p. 3-14 ; D. Anthoine, La dernière maison de Madame de Warens, la fenaison des pervenches, faubourg Nézin, Autour de Jean-Jacques Rousseau, Société des amis du vieux Chambéry, 2012, t. XX, p. 161-171).

[73] F. Mugnier, Madame… op. cit., p. 375-376.

Robert PORRET

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