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La topographie médicale du docteur Dacquin

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11,00 € l'unité Auteur : Bernard GROSPERRINBernard GROSPERRIN

Il est des textes caractéristiques d'un lieu ou d'une époque. C'est le cas de «la topographie médicale de Chambéry» rédigée par le docteur Daquin, bourgeois «éclairé» de la fin du XVIIIe siècle, tableau pittoresque d'une petite ville à la veille de la Révolution, mais aussi document sur les «Lumières» de l'époque, car la Savoie ne manque pas alors d'élite soucieuse de progrès et d'efficacité.

Aidé par les compétences de Bernard Grosperrin, professeur d'histoire moderne à l'Université de Savoie, qui a bien voulu l'étayer de ses commentaires, le texte de Daquin nous révèle la douceur de vivre dans la ville chantée autrefois par Rousseau, mais avec sa saleté et ses maladies, Chambéry ne peut être un idéal et pour Daquin, il y a encore bien à faire. Par la suite, les ouvrages sur Chambéry ne manqueront pas, mais «La Topographie Médicale» est à son époque le premier, d'où son intérêt.

Par son précieux témoignage, le docteur Daquin nous livre ici un document historique fondamental ; savant dépassé, sans doute, il n'en est pas moins étrangement moderne par ses préoccupations. Il était juste que deux siècles après, l'on s'en souvienne encore...

Présentation

Joseph Daquin

On aimerai mieux connaître le docteur Joseph Daquin. Malheureusement, nous ne disposons que de peu de documents. Si sa carrière, ses activités et son œuvre peuvent être assez exactement retracées grâce aux fonctions qu'il exerça et aux ouvrages qu'il publia, de trop rares sources nous éclairent quant à sa personnalité : le peu qu'il dit de lui-même dans ses écrits, et la biographie sommaire du docteur Guilland fils dont le père avait été un ami de Daquin. Encore est-il difficile de vérifier la véracité de ces indications. Il nous manque cruellement les témoignages de ses contemporains, et sa correspondance, qui fut certainement très intense mais dont presque rien n'a été retrouvé à ce jour. On regrette d'autant plus cette relative obscurité qu'il s'agit d'un personnage fascinant, qui s'est efforcé avec ardeur de faire triompher l'esprit des Lumières dans la petite ville somnolente qu'est alors Chambéry et d’œuvrer, pendant plus de cinquante ans, au bonheur de ses habitants.

Né à Chambéry en 1732, dans une famille bourgeoise dont nous ne savons pratiquement rien, Joseph Daquin dut y fréquenter le Collège royal, puis partit conquérir son doctorat en médecine, obtenu en 1757, à l'Université de Turin : parcours obligatoire depuis que les réformes de Victor-Amédée II, précisées par Charles-Emmanuel III dans les années 1730, rendaient nécessaire d'être gradué de Turin pour exercer une fonction en Savoie. L'Université piémontaise jouissait d'ailleurs d'une bonne réputation, et Daquin y fit certainement des études solides. Il jugea cependant utile de les compléter par un séjour à Montpellier, dont la Faculté de médecine était considérée comme une des meilleures d'Europe, très ouverte aux progrès, puis par un autre séjour à Paris. Ici, au contraire, la Faculté de médecine était célèbre pour son conservatisme étroit, et il dut fréquenter surtout les milieux médicaux qui tentaient d'échapper à son emprise étouffante. Il fut marqué, en tout cas, par l'enseignement d'Antoine Petit (1722-1794), qui sera professeur d'anatomie au Jardin Royal de 1769 à 1775, et auquel il dédiera sa traduction de l'essai de Toaldo. Au total, au moins sept années de formation, ce qui suppose, notons-le, une large aisance financière de sa famille.

De retour à Chambéry en 1762, il commença presque aussitôt à y exercer son métier et ne quittera pratiquement plus la ville jusqu'à sa mort, survenue en 1815. Demeurant Place de Lans, célibataire résolu, s'occupant de sa mère paralytique, il devint une personnalité familière aux Chambériens. L'activité professionnelle ne suffisant pas à un esprit aussi actif et curieux, il s'adonna à la recherche. Son premier ouvrage paraît en 1772, une Analyse des eaux thermales d'Aix-en-Savoie, dont il loue fort les vertus, à la veille même de leur modernisation et de leur développement sous l'impulsion de Victor-Amédée III . En 1774, il publie un Mémoire demandé par le Conseil de ville de Chambéry sur la recherche des causes qui entretiennent les fièvres putrides dans la ville. Il revient en 1777 à l'étude des eaux médicinales, pour dénigrer cette fois les prétendues eaux ferrugineuses de la Boisse, situées près de Chambéry qui lui vaut une première polémique avec leurs partisans. Il faut dire que Daquin était loin de répugner aux polémiques – c'était d'ailleurs un trait fréquent chez les intellectuels de l'époque – bien qu'il n'y soit pas très habile et que ses Réponses..., Défenses..., etc. ne constituent pas le meilleur de son œuvre. E n 1778, il envoie à l'Académie des sciences et belles-lettres de Lyon un Mémoire sur «un phénomène physicométéorologique proposé dans le Journal de physique». Mémoire qui lui permet d'en devenir membre. Il y démontrait que ce sont les vents supérieurs, et non les courants à ras-de-terre, qui déterminent la pluie ou le beau temps, et que les girouettes donnent donc des indications de valeur discutable.

En 1784, il livre au public un travail considérable, une traduction de l'Essai météorologique... du savant italien Joseph Toaldo Vicentin, étude qui tendait à démontrer l'influence des astres et des planètes sur les saisons, es changements de temps, la nature et la vie des hommes'. Il enrichit cette traduction de notes nombreuses et copieuses qui constitueraient à elles seules un important ouvrage. Certaines de ces notes provoquèrent un nouveau débat, ouvert semble-t-il par le milieu janséniste chambérien, alors fort remuant, qui jugeait le livre dangereux pour la foi. Tel a été l'itinéraire professionnel et scientifique de Joseph Daquin quand il publie en 1787 la Topographie médicale...

Mais il ne s'en est pas tenu là, et a participé activement aux institutions nouvelles soucieuses d'un progrès de la conscience humaine, de la société et de la connaissance : rien d'étonnant à cela, de la part d'un médecin persuadé qu'on ne peut isoler le problème de la santé de tout un contexte naturel et social. Ainsi fut-il franc-maçon, et franc-maçon influent. Si les Loges maçonniques ne présentent alors aucun caractère subversif, elles n'en sont pas moins les seules sociétés de pensée et les seuls cadres de sociabilité indépendants des structures étatiques et ecclésiastiques, et on comprend leur attrait pour un esprit libre Premier Surveillant de la Loge des Trois Mortiers dès 1765 – trois ans après son retour définitif à Chambéry – il en est même le Vénérable (président élu pour un an) en 1774. A ce titre, il signe le 13 octobre 1774 une Requête de la Loge des Trois Mortiers au Grand Orient de Londres, protestation contre le droit donné à la Loge La Mystérieuse de Turin, jusque là filiale de Loge chambérienne, d'élire un Grand Maître Provincial. Pourtant, la même année,même année, Daquin est l'un des quatre membres de la Loge des Trois Mortiers qui se rendent à Lyon et préparent la scission qui aboutira à la fondation de La Réforme, origine de la Loge de la Parfaite Sincérité. De cette nouvelle Loge, rattachée à l'Ordre Ecossais de la Stricte Observance, il sera le Chancelier, Garde des Sceaux et Archives, et ses réunions se tiendront à son domicile, qui est aussi l'adresse de la Loge. On connaît assez bien les motivations de Joseph de Maistre, principal artisan de cette scission avec son ami César-Philibert Salteur, marquis de la Serraz : le dépit que suscite la promotion de la Loge turinoise, la léthargie qui semble avoir peu à peu affecté la Loge des Trois Mortiers, l'attrait surtout d'une forme de maçonnerie plus active, plus mystique, plus ésotérique que des contacts étroits avec les maçons lyonnais et en particulier Jean-Baptiste Willermoz ont fait connaître à Chambéry. Mais le rôle important joué par Daquin dans cette conversion paraît plus surprenant : rien dans son œuvre ne permet de déceler un penchant pour le mysticisme et l'irrationnel. Il est curieux aussi qu'il ait choisi dans la Sincérité la Loge de loin la plus aristocratique de Chambéry – 31 nobles sur 47 membres vers 1789 – alors que dans le même temps il jugeait sévèrement l'attitude des nobles, hostiles aux affranchissements, au sein de la Société d'agriculture.

Car il prit aussi une part active à la fondation de la seule et éphémère Société savante de Chambéry sous l'ancien régime. Sa Lettre aux amateurs de l'agriculture, écrite en 1771, aurait appuyé les efforts de l'agronome Joseph-Alexis Costa de Beauregard pour créer la Société royale pour l'agriculture, le commerce et les arts, née effectivement en 1772. Daquin en fut le Secrétaire perpétuel dès 1773, mais il devait être le témoin attristé de son rapide échec . Enfin, après le don de sa bibliothèque que fit l'abbé de Mellarède à la ville de Chambéry, il en fut nommé sous-bibliothécaire en 1783. Il est donc, au moment de la parution de la Topographie médicale... au cœur de la vie intellectuelle comme de la vie médicale de Chambéry

Nous n'évoquerons que brièvement la vie de Daquin après la publication de cet ouvrage, objet de la présente étude. Il poursuivit et développa ses activités proprement médicales: il fut nommé médecin de l'Hôpital des incurables en 1788, de celui des orphelines en 1801, de celui de la Charité en 1803, Secrétaire du Comité central de vaccine du département du Mont-Blanc en 1805, chef du Jury médical - conseil de recrutement - un peu plus tard. Par ailleurs, il fut pendant six ans professeur d'histoire naturelle à l’École centrale du Mont-Blanc, et même président de son Conseil d'administration.

Il organisa un Jardin des plantes, et un Muséum dans la bibliothèque dont il est devenu le bibliothécaire en 1802. Il fut aussi un magistrat municipal. Suspect au pouvoir piémontais en 1791-1792, comme beaucoup en Savoie, il s'est rallié au nouveau régime qui surgit dès l'invasion de l'armée révolutionnaire française en septembre 1792, sans que rien ne nous permette d'affirmer qu'il avait appelé de ses vœux cet événement. Il profite de ses fonctions pour promouvoir les réformes qu'il suggérait depuis longtemps : formation des sages-femmes, assainissement de la ville, etc. Ce qui ne l'empêcha pas de résister à ce qu'il considérait comme des excès, et en particulier d'intervenir en faveur de religieuses et d'ecclésiastiques persécutés. En 1800, il est membre du Conseil général du département du Mont-Blanc. Notable-type, bien que peu fortuné – il semble avoir consacré tous ses revenus à sa bibliothèque – il mourra au moment même où le vent de l'histoire tournait à nouveau, le 11 juillet 1815.

Mais ces activités diverses et abondantes n'avaient pas mis fin, loin de là, à ses recherches et publications scientifiques. En 1791 paraît La Philosophie de la folie, son grand titre de gloire, ardent plaidoyer plein d'humanité pour un nouveau regard sur la folie et les moyens de la traiter Une nouvelle étude, considérablement développée, sur les eaux d'Aix est publiée en 1808. Après avoir à nouveau sacrifié à son goût pour la polémique et pour les observations météorologiques, il entreprend, toujours soucieux d'être à la pointe du progrès, une traduction du Traité de vaccination... du médecin milanais Louis Sacco, éditée en 1811, rééditée en 1813 Jusqu'au bout, infatigable, le docteur Joseph Daquin se sera passionné pour tous les efforts tendant à améliorer la condition humaine.

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